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Interview de Brigitte Lahaie – Pour réussir en amour, il faut déjà s’aimer

interview brigitte lahaie

Jade Perraud : Bonjour Brigitte, votre émission sur « Sud Radio » du lundi au vendredi, de 14h à 16h, connaît un grand succès. En tant que sexologue vous y donnez des conseils sentimentaux, bien-être et érotiques… et votre approche est très appréciée.

Vous êtes une militante du sexe et de l’amour et vous vous êtes beaucoup investie pour que les gens soient mieux dans leur peau.

Dans notre société actuelle il existe un véritable paradoxe, entre une érotisation de la communication et la fustigation d’attitudes inadaptées. Tout ce qui touche ou fait mention à la sexualité est encore un sujet assez tabou bien que nous soyons tous concernés.

Quand et pourquoi doit-on consulter un sexologue ?

Brigitte Lahaie : Il n’y a pas une réponse unique. Néanmoins, lorsque la sexualité est bloquée, lorsqu’un symptôme s’installe au-delà de deux mois, il est toujours préférable d’aller en parler avec quelqu’un de compétent qui saura évaluer la situation et proposer des pistes.

Cela étant dit, dans le domaine sexuel, je trouve qu’il est souvent plus utile de proposer des petits exercices pratiques qui permettent au corps de rebondir plutôt que d’entrer dans une introspection.

Pour une difficulté de couple qui se traduit par du sexuel, il faut vérifier s’il s’agit bien d’un symptôme sexuel et non pas d’un règlement de compte qui vient de mésententes affectives en amont.

Jade Perraud : Avec le temps, comment entretenir le désir dans un couple ? Et en particulier pour certaines femmes qui ont eu des enfants et qui ressentent une baisse de la libido ?

Brigitte Lahaie : Il y a deux sortes de désir. Celui qui est en soi, notre libido en quelque sorte et celui qui nous attire vers l’autre. Le second se manifeste particulièrement fort au moment de la rencontre ou quand il y a du danger.

Par exemple lors d’un adultère, il n’est pas rare que cela relance le désir dans le couple. On comprend donc qu’il vaut mieux entretenir le premier désir. On pourrait le définir comme : « le désir d’avoir envie ».

Or ce désir est évidemment plus complexe et notamment pour les femmes en effet qui après la naissance des enfants, reportent une bonne partie de leur libido en tendresse maternelle. C’est pourquoi la sexualité d’un couple ayant des enfants est le problème des deux partenaires.

L’homme doit être présent, j’ose même dire insistant mais dans la compréhension des changements que son épouse a traversés. La femme doit s’autoriser à redevenir une femme et ne pas rester uniquement dans son rôle de mère. C’est important pour elle, pour son couple mais aussi pour ses enfants qui, on oublie de le dire, s’épanouissent toujours mieux face à un couple de parents encore amants.

Jade Perraud : Quels sont les parasites de l’amour ? Comment nettoyer les toxiques qui nuisent à l’amour et à la sexualité ?

Brigitte Lahaie : Ils sont infinis. Il faut peut-être distinguer nos parasites personnels. Par exemple nos croyances sur l’amour, notre vision du couple en fonction le plus souvent de la manière dont nous avons interprété notre couple parental. Mais il y a aussi notre manière d’accepter l’autre qui forcément ne comblera jamais toutes nos attentes. Combien d’amours deviennent tièdes pour de mauvaises raisons.

Évidemment, les parasites de chacun des conjoints ont souvent tendance à se renforcer. Ils ne s’additionnent pas, ils se multiplient. Alors bien sûr on évoque toujours la communication, élément indispensable dans une histoire. Certes, ce serait l’idéal mais justement, communiquer ses sentiments, ses ressentis et ses ressentiments est extrêmement compliqué puisque justement les émotions l’emportent toujours sur la raison.

Je conseille plutôt de privilégier régulièrement des moments à deux, une manière de se retrouver. Chacun devrait pouvoir décoder individuellement ce qui ne va pas et relativiser. Si le respect reste présent, l’envie de continuer ensemble toujours là et des moments de partage continuent de procurer du plaisir, le couple n’est pas en danger.

Je crois que si chacun avait l’honnêteté de se remettre un peu plus en question au lieu de tout de suite accuser son ou sa partenaire, il y aurait nettement moins de séparations.

Jade Perraud : L’équilibre émotionnel est-il étroitement lié avec le désir ?

Brigitte Lahaie : Non pas forcément. Le désir est sans nul doute ce qu’il y a de plus difficile à expliquer. Bien sûr si on parle du désir de continuer ensemble l’histoire, oui on pourrait dire qu’il est extrêmement lié à l’émotionnel. En revanche, si on parle du désir sexuel, les choses sont terriblement complexes.

Un partenaire peut très bien par exemple se couper de son désir et de son excitation simplement parce que sa femme est trop critique et pas assez admirative de son identité masculine. Une partenaire pourra tout autant penser ne plus avoir de désir pour son mari parce qu’elle éprouvera des émotions fortes pour un collègue.

Ce qui n’a rien à voir mais elle le vivra de cette manière. En fait pour maintenir son désir, il est essentiel de continuer à faire l’amour mais, il est indispensable que les rapports soient satisfaisants pour les deux partenaires. Vous imaginez bien que faire l’amour et avoir mal, s’ennuyer ou de toute façon ne plus avoir de plaisir finit par couper le désir à la source.

Jade Perraud : Dans certains cas faut-il envisager d’avoir recours à la pilule du désir ? Quelles sont les recettes du désir ?

Brigitte Lahaie : La pilule du désir malheureusement n’existe pas et je crains fort que ce ne soit pas possible de l’inventer. Bien sûr nos hormones ont un lien étroit avec le désir mais elles n’expliquent pas tout.

Pour un taux de testostérone égal, un homme sera encore très en forme sexuellement tandis que l’autre aura tiré un trait sur sa sexualité. Quant à tous les produits inhibiteurs, antidépresseurs et autres pharmacopées, ils peuvent certes avoir une influence sur nos envies mais il n’y a rien de systématique.

Jade Perraud : Quels sont les fondements d’une relation, comment prendre soin de la relation ?

Brigitte Lahaie : Une bonne relation à deux pourrait se comparer à une bonne relation à soi-même. C’est pourquoi on dit souvent que pour réussir en amour, il faut déjà s’aimer. J’ajouterai se connaître.

Évidemment là où cela se complique, c’est que le dialogue entre soi et soi ne dépend pas de quelqu’un d’autre, ce qui n’est pas le cas dans une histoire d’amour. Mais, si nous sommes clairs avec nous-mêmes, nous pouvons agir en fonction de nos désirs et nous adapter à l’autre. Car rappelons-le ; personne n’a le pouvoir de changer son partenaire, en revanche en modifiant son comportement, il changera le fonctionnement de la relation.

Jade Perraud : Vous avez sorti récemment un livre « Le Bûcher des Sexes ». Pouvez nous en parler ? Comment pourrait-on revenir à un équilibre dans les relations hommes et femmes ?

Brigitte Lahaie : L’équilibre entre les hommes et les femmes est obligatoirement évolutif au fil des siècles. Nous traversons en effet une crise essentielle puisque de nombreux repères ont changé. Ce qui déstabilise les deux sexes.

Pour schématiser, il y a deux courants de pensées actuels.

Le premier pense que finalement hommes et femmes sont assez semblables.

Le second, dont je fais partie, croit au contraire que nous sommes fondamentalement différents et qu’il est indispensable de le comprendre si nous voulons parvenir à une meilleure entente. Les hommes sont certes perdus aujourd’hui pensant avoir perdu leurs prérogatives mais, les femmes le sont tout autant car elles ne savent plus très bien ce qu’elles veulent. Comme si cette liberté nouvelle qui leur est proposée était finalement très anxiogène.

Nous confondons trop égalité et identique.

Jade Perraud : Voyez-vous un retour au puritanisme ?

Brigitte Lahaie : Oui à n’en pas douter. Sans doute n’avons-nous pas su gérer la libération sexuelle promise après mai 68. Il faut dire que le sexe a tout envahi : la pub, Internet…

Quand on sait à quel point la pornographie s’est éloignée de l’érotisme, on peut comprendre qu’elle soit à nouveau diabolisée. Mais il y a sans doute d’autres éléments qui nous entraînent vers ce puritanisme. Dans les périodes de crispation et de crises d’une société, la liberté n’a jamais bonne presse et forcément encore moins la liberté sexuelle.

Jade Perraud : A l’inverse, à l’heure d’une érotisation croissante de la société, quelle est la sexualité des jeunes ?

Brigitte Lahaie : Je n’aime pas tenir un discours alarmiste sur les jeunes. Car la jeunesse justement a toujours des ressources importantes et sait mieux s’adapter que les vieux. Alors bien sûr, ils sont biberonnés à la pornographie mais la plupart d’entre eux aspirent d’abord à l’amour.

En revanche, je suis plus inquiète sur les « jeunes des banlieues ou des milieux défavorisés » car quand on n’est pas intégré dans la société, la vie affective est toujours impactée.

Jade Perraud : Pensez-vous que certaines thérapies alternatives puissent venir aider les gens que vous rencontrez ?

Brigitte Lahaie : Toute thérapie, toute rencontre peut modifier quelqu’un. La seule chose qui compte, c’est le désir de cette personne d’avancer dans sa vie, de se sortir de son rôle de victime ou de ses échecs répétitifs qui l’empêchent d’être bien. Nous pouvons toujours évoluer et quand l’élève est prêt, le maître arrive !

Jade Perraud : Avez-vous des ouvrages à conseiller à nos lecteurs ?

Brigitte Lahaie : Un livre peut en effet être un très bon guide mais il y a aussi le cinéma, même les séries actuelles qui sont souvent plus intelligentes qu’il n’y paraît. Je crois beaucoup à l’art qui depuis toujours est en phase avec son époque.

Je crois à l’art, la psychologie évidemment mais aussi la philosophie ou encore la spiritualité. En revanche, les médias et nombre de journalistes ne sont que des marchands du temple pour reprendre une allégorie célèbre.

Ces événements médiatiques en boucle, montés en épiphénomène, sont terriblement anxiogènes et au final entraînent celui qui les regarde à rester à l’extérieur de lui. Il ne se remet pas en question ; c’est le monde qui va mal et c’est pourquoi il va mal. C’est la plupart du temps totalement faux.

Alors mon conseil, branchez-vous moins sur vos écrans et en effet redécouvrez la lecture. N’importe quel livre vous rendra déjà plus autonome.

Le Bûcher des sexes :

La révolution n’aura pas lieu – Brigitte Lahaie – Éditions Albin Michel

La guerre des sexes est déclarée, rappelant les heures les plus sombres du puritanisme : d’un côté, des hommes jugés tous coupables. De l’autre, des femmes toutes victimes. Finie la présomption d’innocence, le moindre faux pas mène au bûcher. La dictature de la bien-pensance est sur le point de l’emporter. Au cœur de cette chasse aux sorcières, Brigitte Lahaie revendique une parole dissidente : oui, la séduction à la française doit être préservée contre le modèle anglo-saxon et la judiciarisation de la vie privée. Oui, la sexualité est un enjeu de liberté et d’égalité. Osons ne plus avoir peur, osons penser autrement, osons l’exprimer sans honte, osons dire non, osons aimer, osons vivre et non subir.
Non, les hommes ne sont pas tous des porcs et les femmes ne sont pas toutes des pures.
(180 pages – 15,00 €)

 

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Brigitte Lahaie est à votre écoute, du lundi au vendredi, de 14h à 16h, sur Sud Radio.

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