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NutritionSanté naturelle

Alimentation, TDAH et intestins : un trio à considérer

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3 à 5 % des enfants occidentaux sont diagnostiqués comme souffrant du Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), considéré par la médecine comme une « maladie neurologique ». Quelle incidence de l’alimentation sur le TDAH ? Quel dialogue entre le cerveau et les intestins ? Peut-on améliorer les choses grâce à une meilleure nutrition ?

 

Tout comme notre corps a besoin d’une densité nutritionnelle élevée pour être en santé, le cerveau doit bénéficier d’une neuro-nutrition. Et dans le cas du TDAH, l’enjeu est de taille !

Dans les nutriments prioritaires à apporter, il y a les protéines, dégradées en acides aminés, notamment le tryptophane qui permet la fabrication de la sérotonine et la L-tyrosine, à partir de laquelle est élaborée la dopamine. Ces deux neurotransmetteurs sont des messagers chimiques sans lesquels il n’y aurait ni mémoire, ni émotions.
Un bilan « brainscreen » permet de mesurer l’activité des neurotransmetteurs dans les urines et d’éclairer les choses.

Ainsi, un dysfonctionnement de la chaîne de fabrication de la dopamine est pointé dans le TDAH et il est souvent pertinent de fournir, dès le petit déjeuner, des protéines de qualité, ou encore d’envisager une supplémentation. Cependant la tyrosine a besoin de cofacteurs comme le fer pour être utilisée.

La sérotonine est indispensable à l’équilibre émotionnel, c’est le neurotransmetteur du calme et de la sérénité. Or de nombreux enfants en déficit de sérotonine présentent un TDAH et inversement… La mélatonine, l’hormone du sommeil, fabriquée par la glande pinéale, a aussi besoin de sérotonine pour être produite et l’on connaît les troubles d’endormissement et les réveils fréquents des enfants atteints du TDAH. Il est indispensable de varier les sources protéiques, et de respecter les besoins physiologiques qui sont de 1 g par kilo corporel par jour en 2 apports. Un apport bi-quotidien optimise l’utilisation des protéines, il est inutile de consommer sa « ration » en une fois. Buvons-nous en une fois la quantité suffisante d’eau pour satisfaire les besoins de l’organisme ?

Le cerveau a aussi besoin de bonnes graisses pour « huiler » ses neurones, plus précisément pour construire les membranes neuronales (100 milliards de neurones) et pour la connexion entre les neurones. Ces bonnes graisses, ce sont notamment les acides gras essentiels, les fameux EPA, DHA et oméga-3. Les acides gras essentiels sont également indispensables à la vie des neurotransmetteurs : 200 mg d’EPA-DHA et 500 mg d’oméga-3 sont nécessaires au quotidien. Ce sont des neuro-nutriments qui améliorent le fonctionnement du système nerveux central. Il faut consommer chaque jour des noix, ou de l’huile de noix crue, 2 à 3 fois par semaine des marinades de petits poissons gras comme anchois, sardines, maquereaux… On peut aussi se suppléer intelligemment avec de bons produits.

BonbonsLes vitamines du groupe B sont indispensables au système nerveux notamment les vitamines B6, B9, B12, que l’on trouve dans les céréales complètes, dans la levure de bière, dans le germe de blé, le pollen et la viande, en quantité. La vitamine B9 (folates) permet de fabriquer au niveau du cerveau de la S-adénosyl-méthionine (SAMe) qui a des effets bénéfiques sur la fluidité membranaire des neurones et la synthèse de neurotransmetteurs associés à l’humeur.

Le sucre est indispensable au cerveau qui consomme en permanence du glucose, y compris au repos. Les neurones dépendent presque exclusivement du glucose pour satisfaire leurs besoins énergétiques. L’hypoglycémie est désastreuse pour le fonctionnement du cerveau, tout comme l’hypoxie. Il faut apporter du glucose sous formes de céréales complètes, de pommes de terre, de pain, de tubercules, mais le saccharose consommé en fin de repas n’est pas nuisible, puisque sa digestion par l’acide chlorhydrique s’effectue en 45 à 75 minutes : le passage dans le sang du glucose est alors lent et progressif et n’entraîne pas d’hypoglycémie réactive. Ce qui est nuisible, c’est le sucre en excès, et entre les repas.

Les oligo-éléments sont nécessaires à la vie biochimique de toutes nos cellules, ils sont co-facteurs de la synthèse de neurotransmetteurs et nourriture de la cellule nerveuse. Certaines études font écho de niveaux sanguins de magnésium, iode ou zinc plus bas chez les enfants atteints que chez ceux non atteints par ce TDAH. Il semble aussi que les besoins chez eux soient plus importants. Les principaux oligo-éléments de ce contexte sont :

  • le fer : ortie, algues, pour le fer non héminique, viandes, foie, œufs, huitres pour l’héminique,
  • le magnésium : fèves de cacao, quinoa, amandes, fruits de mer,
  • l’iode : sel de mer iodé, fruits de mer, algues,
  • le zinc : les meilleures sources sont celles animales (viandes, abats, poissons, fruits de mer), on en trouve aussi dans la levure de bière, le germe de blé, le pollen, les fruits oléagineux.

Les ennemis alimentaires du fonctionnement cérébral

Certaines substances viennent jouer les trouble-fête dans le fonctionne- ment cérébral. On trouve tout d’abord les insecticides. La cohorte PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance) est une étude qui a assuré le suivi de mères et de leur enfant, de la grossesse à l’âge de six ans. 300 couples mère-enfant de cette cohorte ont servi de base à une autre étude menée par l’Inserm pour évaluer la neurotoxicité des pyréthrinoïdes, molécules présentes dans des insecticides d’usage courant. L’étude laisse suspecter un impact sur le développement cognitif des enfants en contact avec ces pro- duits. Les pyréthrinoïdes sont des produits utilisés comme insecticides par les agriculteurs, comme antiparasitaires chez les animaux et également dans les shampoings anti-poux. Ils agissent en bloquant les communications neuronales chez les insectes, ce qui explique que les abeilles par exemple perdent le chemin du retour à la ruche et meurent. Ils sont fréquemment employés car leur toxicité sur l’homme et les mammifères est considérée comme faible par rapport à d’autres familles de molécules anciennement utilisées.

Autant l’hypoglycémie est à éviter pour le fonctionnement optimal du cerveau, autant l’hyperglycémie est dangereuse pour celui-ci. Ainsi, le sucre surconsommé surexcite les neurones. Et il est par- tout car « caché » : sauces industrielles, sodas, plats préparés, viennoiseries, goûter, soupes industrielles, jus de fruits : l’ardoise est salée (sucrée plus justement) ! La relation des neurones et du sucre est pointée dans la maladie d’Alzheimer, qui est parfois nommée « diabète de type III ».

Les métaux lourds sont aussi à surveiller de près dans la santé du cerveau. En effet, ils prennent la place de métaux physiologiques (OE) dans les métallothionines (protéines soufrées) : les MT sont impliquées dans le développement neuronal, la maturation du cerveau et du tube digestif et dans les enzymes digestives. Dans ce dernier cas apparaissent des intolérances alimentaires, avec par exemple une mal dégradation des protéines : des peptides bio actifs passent la barrière intestinale et peuvent agir sur le système nerveux.

Autres éléments pernicieux : les colo- rants et conservateurs. Ils sont de plus en plus pointés du doigt pour leur responsabilité dans les troubles cognitifs et comportementaux des enfants. Une étude de 2008, publiée par la revue The Lancet, indique sans équivoque que les enfants consommant des boissons contenant 20 mg de colorants artificiels et du benzoate de sodium (un conservateur), présentaient des scores élevés de TDAH.

L’axe cerveau intestins

Notre intestin est notre 2° cerveau… Il comporte 200 millions de neurones. On parle de système nerveux entérique, qui seconde le système nerveux central, avec lequel il communique via le nerf vague. On considère aussi qu’il produit jusqu’à 90 % de notre sérotonine… quand il va bien ! Or, l’HPI ou hyperperméabilité intestinale est de plus en plus fréquente. C’est une souffrance de la muqueuse intestinale qui associe l’ouverture des jonctions serrées à une souffrance de la bordure en brosse. La muqueuse intestinale est un organe fragile et l’écosystème intestinal, un milieu à l’équilibre précaire. Une seule couche unicellulaire sépare notre intérieur de l’extérieur, il s’agit donc d’en prendre soin.

A propos de l'axe cerveau intestinsLa muqueuse intestinale assure un rôle de protection contre des indésirables (virus, bactéries, mycélium, macromolécules), et un rôle d’assimilation des nutriments.

Avec l’installation d’une HPI on assiste à un passage augmenté de macromolécules et de micro-organismes, une entrée d’antigènes, de pathogènes, de toxines et d’aliments incomplètement digérés dans l’organisme.

Or certains de ces indésirables atteignent le système nerveux central et même certains récepteurs du cerveau. Le cas de protéines, telles que la caséine que l’on trouve dans des laits animaux, qui sont mal dégradées au moment de la digestion et qui passent la barrière sous forme de peptides est éloquent. Un article publié par une unité de recherche sur l’autisme appartenant à l’université de Sunderland en Grand Bretagne décrit « des peptides possédant une activité opioïde dérivant de sources alimentaires, en particulier des aliments contenant du gluten et de la caséine, passent à travers une membrane intestinale anormalement perméable et entrent dans le système nerveux central ». Le terme d’entérocolite autistique a été proposé dans les années 2000, ainsi que des publications dans la revue The Lancet pour parler d’une « nouvelle forme de maladie intestinale inflammatoire présente chez ces enfants atteints d’un trouble de développement ». Des lésions identiques ont été constatées chez des enfants présentant un TDAH.

Donc des peptides alimentaires, non décomposés en acides aminés, passent cette barrière intestinale et fournissent à l’organisme des peptides opioïdes qui peuvent expliquer de nombreux symptômes typiques de l’autisme. La caséine aboutit à la formation de peptides opioïdes appelés casomorphines. Le gluten fournit quant à lui, d’autres peptides via la gliadine appelés gliadorphines. Leur qualificatif d’opioïde signifie qu’ils se fixent aux récepteurs opioïdes du cerveau. Adopter un régime sans caséine et sans gluten améliore très souvent les choses.

L’installation d’une HPI est aussi pro- pice au développement de levures intestinales (cas du Candida albicans). Or des mycotoxines produites par les levures intestinales passent la barrière de la muqueuse intestinale. Certaines mycotoxines affectent les neurones cérébraux. Voici une série de signes neurologiques liés aux proliférations fongiques : fatigue, irritabilité, insomnie, dépression, fluctuation de l’humeur, pensées confuses, déficit d’attention, avec ou sans hyperactivité.

De nombreux facteurs conduisent à l’installation d’une HPI : stress chronique, digestion stomacale laborieuse et chronique due à des mauvaises associations alimentaires et à la présence d’aliments indigestes, antibiothérapies répétées, allergies et intolérances alimentaires, grignotage entraînant une mobilisation continue des capacités digestives et une usure des organes. Le grignotage entraîne la suppression du « Migrating Motor Complex » ou MMC (complexe migrant interdigestif), service d’auto nettoyage du grêle qui demande de préserver un jeûne d’au moins 4 heures après un repas. Un service bien utile pour préserver notre écosystème intestinal dont il serait dommage de se priver.

Enfant qui mange

Chez les enfants souffrant d’hyperactivité, les études cliniques ont prouvé qu’une supplémentation nutritionnelle en acides gras essentiels permettait d’améliorer nettement leur capacité à se concentrer, à retenir leur attention et à mémoriser. Cela se traduit généralement par une amélioration notable sur les performances en lecture, en orthographe, mais également une diminution de l’impulsivité.

L’HPI s’installe par ailleurs dans un contexte de déséquilibre des flores intestinales (dysbiose). L’importance d’un microbiote équilibré est de mieux en mieux documentée et plusieurs recherches sur les maladies neurodégénératives, maladies psychiatriques, confirment que la qualité de nos flores intestinales est essentielle dans leur prévention et leur régulation. On parle ainsi de psychomicrobiotique et d’intelligence des bactéries. « On a beaucoup d’arguments pour dire que les pathologies mentales sont liées à des anomalies de la perméabilité intestinale. Une des fonctions du « bon » microbiote est justement de protéger la muqueuse intestinale. Donc dès que le microbiote commence à être perturbé, des molécules du tube digestif passeraient dans le sang et feraient dysfonctionner le cerveau et le reste des organes, y compris le cœur et le foie… » (Guillaume Fond, psychiatre à l’hôpital Henri-Mondor et chercheur en psychiatrie à l’INSERM).

L’axe cerveau-intestins n’a pas, loin de là, livré tous ses secrets et toutes ses promesses.

En synthèse, l’amélioration du TDAH passera donc par l’adoption d’une alimentation mesurée, naturelle, « maison » avec des produits biologiques pour éviter les pesticides, insecticides, métaux lourds et garantir une meilleure densité nutritionnelle. Une attention particulière sera accordée à la santé de la muqueuse intestinale, qui pourra être éventuellement soutenue par des prébiotiques mais surtout un plan alimentaire adapté.

Isabelle Leclercq
Naturopathe certifiée
www.isabelleleclercq.fr
www.nature-o-sante.com
Tél. : 06 18 62 80 59
Références :

Dr G. MOUTON, Ecosystème intestinal et san- té optimale, coll Résurgences, éd. Marco PIet- teur, 3°édition, 2007. / Fabrice Papillon et Héloïse Rambert, Le ventre, notre deuxième cerveau, Arte éditions / Tallan- dier, 2014 / WAKEFIELD, AJ, « the gut brain axis in child- hood developmental disorders », J Pediatr Gas- troentérol Nutr, 2002. 34 Suppl1. / Karoly Horvath, M.D., Ph.D, Université de Liège,,Lien entre les dysfonctions intestinales et cérébrales chez les enfants présentant des troubles autistiques, www2.ulg.ac.be/apepa/ document/horvath.pdf /Mc Cann D, Barrett A, Cooper A, et al, Food additives and hyperactive behaviour in 3 year old childreen in the community : a randomised, double blinded, placebo controlled trial, Lancet, 2007. / R. MASSON, Diététique de l’expérience, Guy Trédaniel, 4° éd, 2008