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Interview HERMES GARANGER – Lama, Maman, Productrice, Conférencière, Auteure…

HG

Hermès Garanger a baigné toute son enfance dans le bouddhisme.

Jade Perraud : Bonjour Hermès Garanger. Pouvez-vous s’il vous plaît vous présenter pour nos lecteurs ?

Hermès Garanger : Je m’appelle Hermès Garanger et pourrais me décrire comme étant à la fois Lama, maman, productrice, conférencière et auteure du livre « Lama à 19 ans… et après ? ».

Pourquoi ces cinq casquettes ? Parce qu’on peut être Lama et productrice à la fois, passer 20 ans dans un monastère et être dans la vie active. On peut aussi être Lama et une maman très investie. On obtient le titre de « Lama », enseignant du bouddhisme tibétain, à la sortie d’une retraite de méditation de 3 ans, 3 mois et 3 jours. Et puis depuis en parallèle, je suis conférencière et j’accompagne mon livre à travers la France.

C’est donc la fameuse retraite que vous avez faite à vos 15 ans ? Qu’est-ce qui vous a conduite à cette décision ?

J’avais 15 ans et demi exactement. Je ne suis pas arrivée par hasard dans un monastère mais suis née dans un monastère bouddhiste tibétain en Écosse. Ensuite, mes parents ont fondé un monastère tibétain en Bourgogne et c’est là que j’ai fait ma retraite à 15 ans et demi.

Je n’ai pas décidé du jour au lendemain, en crise d’adolescence, de tout plaquer et d’aller dans la vie monastique. J’ai vraiment grandi entourée de maîtres tibétains, de Lamas tibétains. La journée, j’allais au collège et puis le soir, je rentrais au monastère où vivaient des moines, des nonnes, des laïcs, quelques familles, des enfants, etc.

Régulièrement de grands maîtres tibétains venaient enseigner au centre bouddhiste et ce sont vraiment ces rencontres qui m’ont inspirée. Depuis toute petite, je les considérais comme des membres de ma famille. Des grands-pères, des oncles… bienveillants. Depuis toute jeune, j’avais cette envie de faire cette retraite après le baccalauréat, mais un concours de circonstances suite à un désistement a fait que j’ai pu y rentrer à 15 ans et demi. C’est ce qui fait que je suis devenue la plus jeune occidentale à avoir vécu cette expérience de plus de 1 000 jours de retraite.

J’avais toujours dit à ma mère « un jour, je ferai la retraite ». Apprendre à méditer c’était pour moi, apprendre à être heureuse. On allait me donner des clés pour apprendre à être bien tout au long de ma vie. Je voyais les résidents du centre, hommes et femmes que je considérais un peu comme mes oncles et tantes, entrer puis ressortir trois ans plus tard, heureux, joyeux, sereins, légers, libres. Et je me disais : « mais qu’ont-ils fait pendant trois ans ? Ce serait génial que je puisse moi aussi apprendre les clés pour être heureuse plus tard ». J’ai simplement gagné quelques années sur mon projet !

Pouvez-vous nous parler de cette expérience de méditation de 3 ans, 3 mois et 3 jours ?

Les journées étaient très longues et identiques. Nous étions entre femmes uniquement et les conditions étaient identiques pour chacune d’entre nous. Nous étions dix, de sept nationalités différentes et vivions chacune dans une petite cellule de 9 m2, très peu isolée. On entendait tout ce qui se passait de l’autre côté, c’est comme si nous habitions quasiment ensemble. C’était notre lieu de vie où l’on y méditait, où l’on cuisinait et nous dormions assises pour garder la concentration de la journée, cela fait partie des règles.

Cette retraite de trois ans est une retraite traditionnelle telle qu’elle était enseignée au Tibet à l’époque, telle qu’elle est enseignée aujourd’hui en Inde dans certains monastères tibétains ainsi que dans quelques centres bouddhistes en Occident. C’est en quelque sorte, le parcours pour devenir Lama.

Nous méditions quatorze heures par jour chacune chez soi et nous réunissions deux fois par jour dans un petit temple au milieu de l’enceinte du centre de retraite. Le lieu était fermé et entouré par de grandes palissades ce qui nous empêchait de voir à l’extérieur.

Notre champ de vision était sans cesse arrêté par ces grandes palissades d’une dizaine de mètres de haut. Dans le livre, je compare cette enceinte fermée à l’espace confiné de l’émission « Loft Story ». La comparaison s’arrête bien sûr à la notion de « coupé du monde » !

Notre programme de retraite a été identique pendant les trois années et se résume à : quatorze heures de méditation par jour, sept jours sur sept ! C’était très intense.

La première session commençait à 4 heures du matin et la dernière se terminait vers 23 heures. Nous avions des séances de méditation qui allaient de deux heures à deux heures et demie, puis quelques pauses pour le petit-déjeuner, le repas, le dîner et les deux rituels ou cérémonies que nous faisions ensemble dans le petit temple et une séance de yoga.

Pendant ces trois ans, aucune distraction extérieure n’a été possible : ni télé, ni radio, ni journaux, et très peu de courrier… Les conditions idéales pour apprendre à se concentrer !

On se voyait un tout petit peu dans le jardin de l’enceinte quand nous allions par exemple à la salle de bains commune. On se croisait et on échangeait quelques mots avec une voisine ou une autre retraitante. Certaines ont fait vœu de silence pendant les trois années mais chacune était libre de prendre ce vœu en plus du programme déjà bien rempli.

Personnellement, à quinze ans et demi, je ne pouvais pas me rajouter le vœu de silence en plus des quatorze heures de méditation pendant aussi longtemps ! (rires). Parmi nous, deux retraitantes ont pris ces vœux renouvelables année après année. Même si je suis une passionnée de silence, j’avais envie de pouvoir échanger avec les autres.

Qu’est-ce que cela vous a appris ?

Au-delà d’être maman aujourd’hui et de vivre cela comme étant la plus belle expérience de ma vie, je dirais que la retraite a été une expérience intense et marquante. Souvent on me dit « tu as perdu trois ans de ta vie et en plus les plus belles années de ta vie ». Ce à quoi je réponds que je n’ai pas l’impression d’avoir perdu trois ans mais d’en avoir gagné dix.

Apprendre à méditer pendant son adolescence et sortir de retraite avec seize mille heures de méditation puis continuer à méditer quotidiennement permet de développer du discernement, de la lucidité, de la concentration, de continuer à cultiver des valeurs telles que la bienveillance, la patience, la générosité, la sérénité, la détermination… Ce sont des valeurs qui aident bien sûr au quotidien surtout quand on vit dans une grande ville parfois un peu agitée, voire stressante pour certains.

Lorsqu’on se trouve dans un endroit paisible, à la campagne par exemple, où l’environnement est idéal et les personnes que l’on côtoie sont bienveillantes, c’est un peu plus facile de méditer et de trouver le calme en soi. Se retrouver dans la vie active, en ville, où l’agitation, le stress, la pression, l’anxiété font partie du quotidien est une occasion idéale pour tester les bienfaits de la méditation !

On pourrait dire que la méditation est une méthode qui nous apprend, à travers l’entraînement quotidien de l’esprit, à être bien ou à rebondir mieux en toutes circonstances… Ainsi, on appréhende les moments difficiles comme la maladie, le deuil, les ruptures, les burn-out, les dépressions… sous un angle différent.

Si je suis confrontée à un patron un peu autoritaire, ou pervers, par exemple, je réagis avec beaucoup de recul. Ayant appris à prendre de la hauteur et à me protéger, je ne subis pas le stress, la colère ou l’agressivité des autres. Pour moi, je remarque les bienfaits de la méditation au quotidien, plus dans la vie active que dans la vie méditative et plus passive au monastère.

En retraite, je pense qu’on n’a pas conscience des réels bienfaits de la méditation parce que nous ne sommes pas confrontés aux difficultés extérieures bien que nous passions nos journées fassent à nos propres émotions ce qui n’est pas toujours de tout repos ! Certaines pratiques nous font travailler sur l’orgueil, la colère, la jalousie, l’attachement et on se dit OK, ça, je le fais vis-à-vis de moi. Mais comment je vais être dans la vraie vie, face à quelqu’un qui sera en colère face à moi ?

Vous avez obtenu le titre de Lama à 19 ans, qu’avez-vous fait après ?

Lama ou « enseignant du bouddhisme tibétain », pourrait être l’équivalent d’un prêtre, d’un rabbin ou d’un chef religieux. Ce titre nous donne l’aptitude à enseigner le bouddhisme tibétain, la méditation et les enseignements… Mais en sortant de retraite à 19 ans, j’ai préféré partir vivre en Inde dans un premier temps pour continuer à méditer. Je ne pouvais pas passer de 14 heures de méditation à plus rien et reprendre le cours de ma vie comme si de rien n’était ! J’ai donc voyagé en Asie pendant trois ans avant de revenir en France.

Pouvez-vous nous parler du bouddhisme tibétain ? Quels en sont les principes ou la philosophie ?

Le bouddhisme est reconnu comme étant la sixième religion de France et a droit à ses émissions « Sagesses Bouddhistes » le dimanche matin sur France 2 juste avant les émissions juives, protestantes, la messe… Le bouddhisme tibétain est une philosophie pour certains, une religion pour les plus pratiquants.

Le Bouddha a enseigné 84 000 enseignements différents mais il est difficile de les étudier tous en une seule vie ! En retraite, nous étudions et méditons sur 200 thèmes de méditation différents. Les préceptes du bouddhisme en général se basent sur la compassion, l’altruisme, la bienveillance, le respect, la tolérance, l’amour, la générosité… Des valeurs que l’on a en chacun de nous, naturellement quand on est enfant, mais qui disparaissent petit à petit car nous ne faisons rien pour les entretenir.

À travers différents thèmes de méditation, on apprend à cultiver tout ça quotidiennement. On entraîne notre esprit comme un sportif s’entraîne dans sa discipline ou comme un virtuose qui continue à jouer chaque jour alors qu’il connaît ses morceaux par cœur. On pourrait dire que méditer c’est aussi apprendre à prendre du recul, de la hauteur et un peu de lâcher prise…

On me demande souvent si la méditation nous rend indifférent, distant, insensible… C’est une question qui revient très souvent et qui me surprend toujours comme si on vivait en dehors de la société alors qu’au contraire, la méditation développe, clarté, lucidité, discernement, prise de conscience, sensibilité, écoute, une présence attentive et loin d’être passive !

Je ne me sens pas du tout déconnectée de la réalité mais au contraire investis à 1 000 % dans tout ce que j’entreprends et lorsque je rencontre une personne un peu agressive par exemple, mon premier réflexe est de prendre du recul et de comprendre l’autre dans un état d’esprit empathique. Je ne le prends pas pour moi et j’essaye plutôt de comprendre l’émotion de l’autre.

Le bouddhisme en général ou l’apprentissage de la méditation nous apprend à connaître le fonctionnement de nos propres émotions afin de comprendre celles des autres. Savoir les analyser nous permet de les transformer pour en faire quelque chose de positif et de constructif. La notion d’impermanence est aussi très présente dans les enseignements bouddhistes. « Inutile de se prendre trop au sérieux car on peut partir du jour au lendemain ! » Je me dis souvent « profite de chaque instant et tu n’auras aucun regret ! ».

Avec cette notion d’impermanence à l’esprit, on appréhende les situations de la vie et les circonstances d’une manière un peu différentes. Avec moins de rigidité et au contraire plus de libertés et de légèreté.

Vous travaillez également dans le monde de l’audiovisuel. Cela semble être un milieu diamétralement opposé ?

Cela s’est fait après ma retraite lorsque je vivais en Inde. J’étais conseillère réalisatrice et traductrice sur des tournages pour des documentaires. Quand je suis rentrée en France, les équipes françaises que j’avais rencontrées en Inde m’ont appelée et parlé d’une boîte de production qui cherchait quelqu’un à former de A à Z en production.

La réalisatrice m’a suggéré de rencontrer la directrice de production de cette société de documentaires animaliers même si je n’avais jamais travaillé de ma vie. Ainsi je pourrais apprendre à fabriquer un documentaire en partant d’une page blanche. C’est comme cela que j’y suis rentrée, par un autre concours de circonstances, un peu comme l’entrée en retraite finalement.

Pensant rester quelques jours, cela fait maintenant 24 ans que je suis intermittente du spectacle ! J’ai gravi quelques échelons, travaillé sur des documentaires, des longs et courts métrages, quatre saisons pour France 2 sur la Cérémonie des Molières dont trois avec Nicolas Bedos, trois ans avec Cyril Hanouna sur Touche pas à mon poste, Roland Garros, des émissions musicales, des directs, des magazines pour les plus grandes chaînes de télévision françaises…

Alors quand j’ai commencé l’écriture de mon récit, je me suis dit que je ne pouvais pas ne pas parler de ces 24 années dans les médias après les 20 ans passés au monastère ! Je peux comprendre que ces deux univers puissent surprendre. Le lien entre ces deux mondes, qui peuvent sembler opposés mais qui ne le sont pas pour moi, est « la créativité » !

La méditation développant la créativité, c’est vrai qu’en restant assise sur mon coussin au monastère, j’avais le sentiment de ne pas utiliser cette créativité. Une créativité débordante et omniprésente qui restait dans un coin de ma tête. En arrivant dans l’univers de la télé, un milieu qui fait appel à la créativité, cela m’a permis de mettre ma créativité au service de mon métier. C’est vrai qu’avec TPMP, on peut avoir du mal à faire le lien. Mais la créativité est là aussi ! Lorsque pour une autre émission on nous accorde plusieurs centaines de milliers d’euros, la créativité, dans ces cas-là, est illimitée.

Je trouve souvent des idées pendant mes trajets, dans le métro par exemple. Je ferme les yeux, me détends et laisse libre cours à la créativité sans interférer.

Travaillant dans le milieu de la télévision qui peut paraître pour certains un peu matérialiste, « bling-bling » ou bourré d’ego, aussi étonnant que cela puisse paraître, je me sens aussi bien dans un monastère que sur un plateau télé. Ce n’est qu’une question d’état d’esprit ! Les paillettes, le pouvoir, l’argent que l’on peut voir et imaginer dans ce milieu-là n’influencent en rien ma vision des choses. Je sais pourquoi je suis là, quelles sont mes valeurs. Bienveillance et humanité ne sont pas incompatibles avec audience et rentabilité !

Actuellement, travaillez-vous toujours sur des projets de télévision ?

Depuis la sortie de mon ouvrage, je me suis un peu éloignée de la télévision et préfère pour le moment consacrer plus de temps à ma société de production et d’événementiels. Cette organisation me permet de gérer mon temps et de parcourir la France.

En un an, j’ai eu la chance d’être invitée à participer à 42 événements autour de mon livre, salons, conférences, dédicaces, ateliers de méditation. J’aime aller à la rencontre des enfants dans les écoles pour leur présenter la méditation de manière totalement laïque et moderne.

Méditation, bienveillance, éducation, environnement sont des thèmes que j’aborde souvent lors de mes conférences. Et puis récemment, j’ai déposé un dossier pour être aumônier de prison en tant que bénévole. Être en tête à tête avec les détenus dans leur cellule pour leur parler de méditation est l’un de mes projets pour 2020.

Vous animez des ateliers de méditation et de neurosciences. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Après avoir passé 30 000 heures avec mon esprit, j’avais envie de comprendre le fonctionnement du cerveau. J’ai alors passé un master en neurosciences appliquées. Et puis l’année dernière, les équipes de l’INSERM de Lyon m’ont contactée car elles cherchaient des « experts en méditation » pour leurs recherches sur les bienfaits que pourrait avoir la méditation sur le cerveau, dirigées par Antoine Lutz. J’ai donc passé 6 jours comme « cobaye », avec 64 électrodes sur la tête et un peu branchée de partout, pour que l’on voie si avec 30 000 heures de méditation, certaines zones de mon cerveau auraient été modifiées.

J’ai créé des journées d’ateliers de « méditation et neurosciences », que j’organise ponctuellement pour expliquer le parallèle entre l’esprit et le cerveau, en passant de la théorie à la pratique. J’essaie de faire un pont entre la science de l’esprit et celle du cerveau, car l’un ne va pas sans l’autre pour moi.

Vous parlez de “vacances pour l’esprit”. Des recherches ont montré que les personnes qui pratiquent régulièrement la méditation sont moins sensibles à la douleur. Comment expliquez-vous cela ?

Pour l’instant, toutes les analyses sont en cours d’étude mais j’ai récemment revu le neuroscientifique qui se consacre à ces recherches et qui a les premiers résultats.

Ce n’était effectivement pas très agréable comme test. J’ai passé trois heures dans un IRM où ils chauffaient mon bras à 49° toutes les 30 secondes donc quand je suis sortie de là, j’avais une belle marque rouge ! Dans l’IRM on m’envoyait des indices avec « chaud » (qui signifiait que la prochaine chose qui allait m’arriver serait insupportable) ou « tiède » qui signifiait que je pouvais me détendre. Le fait de méditer et de ne pas faire attention aux indices envoyés sur les panneaux permettait de ne pas anticiper la douleur et ainsi de la ressentir moins fortement que quelqu’un qui n’aurait pas médité.

Un autre protocole me demande de méditer par cycle de 8 minutes tantôt sur l’empathie tantôt sur la compassion pendant quatre heures. Seule dans une petite salle fermée, on me projette des images violentes tout droit sorties du JT (images réelles de mères perdant leur enfant, de pendus, d’assassinats…) avec des sons très stressants. En parallèle, on m’envoie des décharges dans le bras. Suis-je plus sensible à ma propre douleur (lorsque notre bras allait en l’air) ou à la souffrance d’autrui (relatives aux images que je n’aurais pas pu regarder si je n’avais pas pratiqué la méditation) ? Je réponds à chaque fois à l’aide d’une télécommande. Certaines aires du cerveau sont-elles plus développées grâce à ces pratiques de la compassion et de l’empathie ? Est-ce que je souffre moins par rapport à quelqu’un qui ne méditerait pas ?

Quand on arrive à l’INSERM on ne nous dit pas trop ce qu’on va nous faire avant l’expérience et avec le recul, c’était très bien de ne rien savoir à l’avance ! En revanche, quand je suis rentrée à Paris, j’ai cherché sur internet ce qui avait été fait aux États-Unis et les résultats obtenus.

Automatiquement si on vous donne les informations avant, vous vous préparez mentalement ?

Exactement. C’est ce pourquoi j’y suis allée en cobaye, novice totalement naïve et heureusement.

Il y a d’autres effets qui ont été démontrés dans la méditation, notamment la capacité de mémorisation. Cela développe l’esprit et les capacités cognitives ?

Tout à fait. Le fait d’être très concentrée, de n’avoir aucune distraction, permet de mémoriser plus vite et mieux. Là, il y avait plusieurs examens, dont une expérience qui a notamment été assez longue. Il fallait mémoriser des couleurs, des points de couleurs, des lettres etc. sur des écrans qui disparaissaient aussitôt. On me demandait de ne pas mémoriser avec mon cerveau mais plutôt avec mon esprit, puis l’inverse, puis l’esprit et le cerveau combinés, etc. Ce ne sont que des choses qu’on n’a jamais faites en méditation. Pour moi c’était très intéressant.

L’expérience se réalise en 4 heures. Moi j’ai mis 2 heures 30 car je ne voulais pas faire de pause. Je voulais rester dans cette concentration. Et à la fin de l’expérience je leur ai demandé ce qu’ils cherchaient. Ils m’ont répondu que normalement, quelqu’un qui médite réussit à garder une concentration extrêmement longue. Alors que chez un novice qui ne médite pas, la fatigue survient au bout de 20 minutes ; plus il fait de fautes et plus il se déconcentre. Chez moi c’était l’inverse. Dès que je venais de faire une faute, je forçais mon esprit à se concentrer davantage et n’en tenais pas compte. Je ne voulais pas écouter mon cerveau. C’était passionnant pour moi.

D’après vous, la méditation permettrait-elle de combattre la violence ?

C’est ce que dit le Dalaï-Lama : « Si la méditation était enseignée à tous les enfants âgés de 8 ans sur la Terre, nous ferions disparaître la violence du monde, en une génération ».

La méditation permet de développer l’amour et la bienveillance, quelles que soient la religion, la culture, le pays, les croyances… pour moi la bienveillance dépasse les frontières. Il n’y a plus de Moi et de Toi, on parle d’amour universel, de bienveillance universelle.

Ça donne envie de pratiquer la méditation. Est-ce que tout le monde peut en faire ? Si oui, comment fait-on pour l’apprendre ?

La méditation est accessible à tout le monde. Mais il y a méditation et méditation. Pour moi, le business méditatif s’apparente plutôt à de la relaxation ou du bien-être personnel. Tout le monde peut faire cela.

Mais méditer avec des vraies bases et des fondements, quelque chose d’authentique, s’apprend sur la base d’un enseignement et d’une transmission.

Dans le Bouddhisme Tibétain, la méditation a été transmise de maître à disciple. Lorsqu’on commence à méditer, c’est bien d’avoir une personne qualifiée pour nous transmettre les fondations, les fondements, la respiration, la position, l’orientation de l’esprit, les méthodes, répondre aux questions…

Pour commencer, il ne faut pas vouloir aller plus loin trop vite. Il faut privilégier de petites sessions de 3 minutes par jour par exemple : s’asseoir, se concentrer (sur la respiration notamment car c’est le support qui nous accompagne). Sans cela, on va être agité et l’esprit repartira sans arrêt.

Qu’est-ce qu’un support ?

C’est quelque chose sur lequel l’esprit va se fixer pour éviter d’aller se fixer sur les problèmes du quotidien. C’est ce qui va le canaliser. Je dirais qu’il faut fermer les yeux d’abord. Avec 126 millions de pixels dans les yeux, on capte tout, c’est autant de distractions que de pixels. En fermant les yeux, on se coupe d’une première et énorme distraction.

Une fois qu’on a fermé les yeux, pendant trois minutes, on se concentre juste sur « j’inspire et j’expire » et à chaque fois qu’une pensée va venir, il faut à nouveau se concentrer sur la respiration. L’esprit est comme un petit singe qui va repartir sur sa branche, on lui demande de revenir. Et hop il va repartir car on a de nouveau pensé à la liste de courses, à l’enfant qu’il faut accompagner à la danse ou au judo, ou à je ne sais quoi…

Ça peut être décourageant au début car on se rend compte qu’on a énormément de pensées. Mais on n’en a pas plus que d’habitude, c’est simplement qu’on en prend conscience. Quand on est assis pendant 3 minutes les yeux fermés, on a l’impression qu’on enchaîne les pensées et qu’elles se sont multipliées comme par miracle alors que pas du tout, on en a juste plus conscience. Méditer ne veut pas dire « faire le vide ». Il faut juste observer l’esprit comme si c’était le ciel et que chacune des pensées était des nuages. On les regarde passer sans les saisir, sans les suivre et ramener sans cesse son attention sur sa respiration. C’est un véritable entraînement, un exercice quotidien.

Le mot tibétain « GOM » pour méditer veut dire « entraîner / s’entraîner ». Entraîner notre esprit à se concentrer, à observer différemment, voir les choses avec de nouvelles perspectives, prendre du recul, prendre de la hauteur, analyser et regarder ses émotions… Pour moi c’est véritablement un entraînement, ce n’est pas de tout repos contrairement au côté relax qu’on peut lire dans les magazines.

Avez-vous une devise ?

Plusieurs m’accompagnent au quotidien :

« Sans espoir ni crainte »

Lorsque je vais à un rendez-vous important, que j’attends une réponse à un projet ou avant de monter sur scène pour une conférence… je me dis « Sans espoir, ni crainte ! » Ainsi, je monte sur scène sans l’espoir de convaincre tout le monde et sans la crainte de ne pas réussir ou de ne pas être à la hauteur. Cette phrase est pour moi méditative dans le sens où elle m’accompagne depuis des années à rester dans le juste milieu, dans la stabilité, dans l’équilibre et à ne pas être déçue si le résultat est positif ou négatif !

« Méditer c’est donner des vacances à son esprit »

À quel moment dans la journée donnons-nous des vacances à notre esprit ? Nous avons l’habitude de prendre soin de notre corps à travers le sport ou d’une nourriture saine, d’entraîner notre cerveau en faisant des jeux comme des mots fléchés… Mais l’esprit n’a jamais son moment rien qu’à lui ! Nous attendons tous avec impatience les cinq semaines de vacances annuelles pour nous reposer mais pourquoi alors ne pas s’accorder trois minutes de pauses ou de vacances par jour ? Pourquoi attendre d’être mal pour commencer à méditer ? Pourquoi attendre d’être mal pour commencer à aller bien ?

Merci beaucoup Hermès Garanger.