close
Interviews

Interview de Julien Venesson spécialiste en nutrition et micro-nutrition.

venesson-julien-interview-specialiste-nutrion-micro-nutrition

« Rien ne vaut la santé, quand vous ne l’avez plus, tout s’arrête ! »

Propos recueillis par Jade Perraud – Interview de Julien Venesson

Julien Venesson est spécialiste de nutrition et micro-nutrition. Il est issu d’une famille de pharmaciens et médecins, et doté lui-même d’une formation médicale et scientifique.

Julien Venesson a aussi découvert l’art des médecines complémentaires sur lui-même pour faire face à une grave maladie. Son travail a pour objectif d’aider les autres à prendre soin d’eux, acquérir des connaissances indispensables au bien-être et, préserver leur santé pour mieux vivre.

En plus d’être le rédacteur en chef avisé d’Alternatif Bien-Être, Julien Venesson est formateur professionnel en nutrition, conseille des sportifs de haut niveau et intervient pour de grands groupes français sur des questions de nutrition et de bien-être. Il est très actif sur les réseaux sociaux et a récemment publié : Gluten, comment le blé moderne nous intoxique.

Jade Perraud : Bonjour Julien Venesson, comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la nutrition?

Julien Venesson : Après avoir suivi un parcours scientifique (BAC S option mathématiques) et issu d’une famille très concernée par la santé (parents pharmaciens, grand-père médecin), je débutais des études médicales interrompues suite à de graves problèmes de santé. Un malheur pour certains mais aussi la révélation des limites et des travers du système médical moderne où l’intérêt du patient navigue entre intérêts financiers et conflits d’ego.

Jade Perraud : On parle beaucoup de l’importance de la génétique pour la santé. Mais n’oublie-t-on pas l’alimentation et les habitudes de vie ?

Julien Venesson : En 2008, des chercheurs de l’université du Texas ont montré que 25 à 30 % des cancers sont directement imputables au tabagisme, 15 à 20 % des cancers sont directement attribuables à des infections (par exemple le Papillomavirus augmente le risque de cancer du col de l’utérus et la bactérie Helicobacter Pylori augmente le risque de cancer de l’estomac), 5 à 25 % des cancers sont directement imputables au manque d’activité physique ou à l’exposition à des polluants chimiques environnementaux (métaux lourds, pesticides, bisphénol, etc.), 30 à 35 % des cancers sont directement imputables à l’alimentation (déséquilibres des acides gras, aliments favorisant la croissance des tumeurs, etc.) et 5 à 10 % des cancers sont imputables à la génétique… seulement !

Ce que cela veut dire c’est que, même s’il n’est pas possible de maîtriser notre risque de tomber malade à 100 %, nous avons tout de même entre nos mains les moyens les plus efficaces d’agir. Il existe de nombreux gènes qui ont été associés à différentes pathologies, que ce soit les cancers, le diabète ou les maladies cardiaques, mais les gènes s’activent ou se désactivent en fonction de nos comportements, notre mode de vie et même notre état d’esprit.

Jade Perraud : On entend beaucoup parler du régime sans gluten. Dans quoi trouve-t-on du gluten et quels sont ses effets néfastes sur la santé ?

Julien Venesson : Le gluten est un mélange de protéines qu’on retrouve dans certaines céréales : le blé, l’épeautre, l’orge, le seigle, le Kamut, le petit épeautre et certaines variétés d’avoine.

Différentes études scientifiques ont démontré que le gluten augmente la perméabilité intestinale. Un intestin perméable est comparable à une passoire qui laisse passer dans l’organisme toutes sortes de molécules qui n’ont rien à y faire. Cela prédispose au développement d’intolérances alimentaires, de maladies auto-immunes, de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, au syndrome du côlon irritable ou à l’arthrose.

Jade Perraud : Existe-t-il réellement de plus en plus d’intolérants au gluten ? Comment l’expliquer?

Julien Venesson : La fréquence des intolérances au gluten a été multipliée par 6 depuis les années 70. Le fait qu’on parle beaucoup du gluten n’est donc pas un phénomène de mode, mais une réalité médicale : de plus en plus de personnes sont malades à cause du gluten. Dans mon enquête, publiée en 2011 sous le titre Gluten, comment le blé moderne nous intoxique, je montre que cette augmentation pourrait être la conséquence des mutations génétiques faites par la main de l’homme sur le génome du blé, dont le patrimoine génétique a été triplé en 10 000 ans : les premiers blés comptaient 14 chromosomes alors que les blés modernes en comptent 42. Les protéines mutées du blé ne sont plus reconnues correctement par notre organisme ce qui provoque l’apparition de réactions immunitaires anarchiques et donc de maladies.

Jade Perraud : Existe-t-il un lien entre le gluten et les maladies auto-immunes ou d’autres maladies comme l’autisme et l’épilepsie ?

Julien Venesson : Les études ont montré que les personnes intolérantes au gluten ont 43 % plus de risque d’être victimes de crises d’épilepsie. Inversement les personnes souffrant d’épilepsie sans cause retrouvée ont deux fois plus de risque d’être intolérantes au gluten. Concrètement des chercheurs neurologues ont mis en évidence que certains types précis d’épilepsie sont très reliés au gluten et peuvent parfois être stoppés par un régime sans gluten : les épilepsies de type occipital ou du lobe temporal.

Pour l’autisme on sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de cause à effet : le gluten ne provoque pas cette maladie. Néanmoins on sait aussi qu’un régime sans gluten a un impact souvent positif sur les symptômes et améliore le développement et qualité de vie des enfants autistes. L’explication serait que l’intestin est naturellement perméable en cas d’autisme et que la consommation de blé engendre le passage dans le sang jusqu’au cerveau de protéines du gluten qui vont perturber la neurotransmission cérébrale et aggraver les symptômes. Concrètement les améliorations sont très variables selon les enfants : il faut faire l’essai.

Jade Perraud : Faut-il arrêter de manger du gluten ?

Julien Venesson : Même si de plus en plus de personnes ont un problème avec le gluten, beaucoup d’autres n’en sont pas victimes. Certains doivent éviter fermement le gluten : les intolérants, aussi appelés « malades cœliaques ». Quant aux personnes victimes de maladies chroniques comme les maladies auto-immunes, maladies inflammatoires ou désordres d’origine inconnue (reflux, troubles digestifs, maux de tête, dépressions sans cause trouvée, etc.) je leur conseille de faire l’essai d’une alimentation strictement sans gluten pendant quelques mois, cela peut changer la vie !

Enfin, pour les personnes qui n’ont aucun problème de santé, mais qui s’inscrivent dans une démarche de prévention, il reste bon de diminuer la consommation de gluten, pour limiter l’exposition de son intestin à cette protéine.

Jade Perraud : Vous avez écrit récemment le livre « Paléo Nutrition » (Éditions Thierry Souccar, 2014). Pouvez-vous nous parler du régime de type paléolithique (paléo ou ancestral) ?

Julien Venesson : Aujourd’hui les chercheurs estiment que l’apparition des premiers hominidés sur Terre remonte à 9 millions d’années environ. Grâce aux nouvelles méthodes d’analyse scientifique des ossements et des fouilles, on a été capables de déterminer avec certitude l’alimentation de nos ancêtres et il se trouve que celle-ci n’a connu que des changements mineurs en 9 millions d’années, nous étions des « chasseurs-cueilleurs ». Seul un changement majeur a eu lieu, il y a 10 000 ans seulement : les débuts de l’agriculture, c’est-à-dire la culture de céréales. De plus, différentes recherches indiquent que le génome de l’être humain a très peu évolué en 10 000 ans. De là découle l’idée selon laquelle nous ne serions pas parfaitement adaptés à une alimentation riche en céréales et en produits laitiers. La consommation d’aliments qui nous sont inadaptés serait la cause de différentes maladies modernes.

Jade Perraud : A qui s’adresse ce livre ?

Julien Venesson : Le livre s’adresse aux personnes qui souhaitent comprendre réellement les effets des aliments sur notre organisme, à ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’évolution, à ceux qui veulent prévenir les maladies ou à ceux qui sont malades et qui veulent améliorer leur état de santé. On y trouve également deux grandes parties dédiées à l’alimentation Paléo du sportif : une partie pour les sports de force (musculation, sports de combat, etc.) et une partie pour les sports d’endurance (vélo, course à pied, etc.).

Jade Perraud : Ce régime pourrait-il aider à prévenir des maladies de civilisation comme l’obésité et le diabète ?

Julien Venesson : Différentes universités ont déjà testé l’effet d’un régime Paléo sur la santé de personnes malades. Toutes ces études montrent que le régime Paléo est au moins aussi efficace que le régime Méditerranéen pour préserver la ligne, se protéger du diabète ou améliorer son traitement. Ce n’est donc plus une théorie : le régime Paléo peut améliorer la santé.

Jade Perraud : Il est apparemment vivement conseillé aux personnes souffrant de maladies auto-immunes ou de maladies inflammatoires de l’intestin ? Ce régime n’est-il pas proche de celui du Dr Jean Seignalet ?

Julien Venesson : En effet, dans son livre L’alimentation ou la 3ème médecine, le Dr Jean Seignalet faisait part des résultats exceptionnels qu’il avait obtenus dans le traitement des maladies auto-immunes ou inflammatoires grâce à une alimentation ancestrale. Mais depuis la mort de Jean Seignalet en 2003, de très nombreuses recherches ont été publiées sur le sujet, on est donc en mesure de donner des conseils plus précis, plus efficaces et surtout de comprendre pourquoi et comment certains aliments sont néfastes dans certaines maladies. C’est donc un régime très proche de celui de Seignalet, une version « mise à jour », en quelque sorte.

Jade Perraud : Le régime paléolithique est-il recommandé chez les sportifs ?

Julien Venesson : Oui bien sûr. Le sportif a besoin, peut-être encore plus que les autres, de préserver sa santé, de ne pas faciliter la survenue des blessures et d’optimiser son métabolisme pour booster ses performances. En ce sens le régime Paléo est un bon moyen de maximiser ses résultats sportifs.

Jade Perraud : Un végétarien peut-il se mettre au régime Paléo ?

Julien Venesson : Même si l’homme Paléo a disparu, il existe quelques tribus à travers le monde de peuplades de chasseurs-cueilleurs, qui vivent à l’écart de la civilisation. En Papouasie Nouvelle-Guinée, c’est le cas des habitants de l’île de Kitava. Jusqu’en 1990, il était impossible de trouver de l’électricité, le téléphone ou un véhicule sur l’île de Kitava. Les Kitavans ne mangent presque jamais de viande, ils sont pesco-végétariens. Autre exemple à l’autre bout du monde : les Indiens Yanomami dans la forêt Amazonienne ont une alimentation végétale à 85 % : un peu de viande et des insectes principalement ; le bétail, les cochons et les poulets sont des animaux domestiques qui ne sont pas mangés.

Jade Perraud : Dans votre livre, vous dites « les légumineuses ne sont pas exemplaires ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Julien Venesson : Les légumineuses sont des aliments nutritionnellement intéressants, beaucoup plus que les céréales, par leur richesse en vitamines, minéraux et fibres. Toutefois, on sait moins qu’elles contiennent des substances toxiques : les lectines, les saponines, les inhibiteurs de trypsine ou les glycosides cyanogènes. Ces substances peuvent favoriser l’inflammation ou les réactions auto-immunes, en particulier chez certaines personnes prédisposées. Il n’y a donc pas que du bon dans les légumineuses.

Jade Perraud : Notre organisme a besoin de protéines, les œufs peuvent-ils représenter une source sûre ? Ils sont beaucoup critiqués à cause du cholestérol. Qu’en est-il vraiment ?

Julien Venesson : Si on en croit certains médias, les œufs entiers seraient mauvais pour la santé, car ils contiennent du cholestérol. Pour en attester, ils citent des études scientifiques dans lesquelles les chercheurs ont trouvé un lien entre consommation d’œufs entiers et risque de maladies cardiaques. Le problème c’est que les études en question sont toujours de toutes petites études, c’est-à-dire qui n’ont suivi qu’un faible nombre de participants (rarement plus d’un millier). De plus ces études, qui comparent des personnes mangeant des œufs entiers à des personnes n’en mangeant pas, tiennent rarement compte de facteurs confondants importants. Par exemple si vous comparez une personne qui ne mange pas d’œufs entiers et qui ne fume pas à une personne qui mange des œufs et qui fume, il est bien difficile de dire que ce sont les œufs qui sont responsables des problèmes de santé de la personne étudiée.

Fort heureusement, il existe d’autres études beaucoup plus sérieuses sur le sujet. La dernière en date a été publiée en décembre 2012, dans une revue médicale réputée pour son sérieux, le British Medical Journal. Issue d’une collaboration entre des chercheurs chinois et l’École de Santé Publique de Harvard, l’étude a analysé 17 études d’observation sur la consommation de jaunes d’œufs et le risque de maladies cardiovasculaires (infarctus, accident vasculaire, etc.), totalisant ainsi des données sur plus de 4 millions de personnes. Dans cette étude les chercheurs ont éliminé tous les facteurs confondants les plus évidents et ils trouvent que : « La consommation d’œufs entiers n’est pas associée à un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires ou d’AVC. En revanche, manger beaucoup d’œufs entiers diminue le risque d’AVC hémorragique de 25 %. » Manger des œufs ne devrait pas être dissuadé, mais encouragé !

Jade Perraud : De nombreuses études font des liens entre le taux de vitamine D et certaines maladies auto-immunes, cancer, Parkinson… Comment s’y retrouver parmi les doses conseillées qui varient beaucoup d’un pays à l’autre ?

Julien Venesson : En médecine et en santé on oublie trop souvent de rajouter un peu de bon sens aux analyses scientifiques. L’Homme a toujours été exposé au soleil quotidiennement avant l’ère industrielle. Or le soleil est la principale source de vitamine D bien loin devant les aliments. Nous sommes donc adaptés à recevoir de petites doses de vitamine D quotidiennement via l’exposition au soleil. En l’absence d’exposition on peut choisir de se supplémenter en vitamine D en sachant que l’exposition à un soleil d’été procure jusqu’à 15 000 UI de vitamine D3 en 15 minutes (un fromage blanc contient au maximum 200 UI de vitamine D3). Aujourd’hui la plupart des chercheurs spécialistes recommandent un apport de 4000 UI de vitamine D3 par jour en l’absence d’exposition au soleil pour prévenir le déficit en vitamine D et les maladies potentiellement associées.

Jade Perraud : Quels conseils pouvez-vous donner à nos lecteurs pour conserver ou retrouver la santé ?

Julien Venesson : Aujourd’hui on sait que la plupart des maladies sont liées à notre environnement, que ce soit notre alimentation, notre activité physique, notre équilibre émotionnel ou notre exposition à des substances polluantes. Or la médecine moderne s’attache encore trop à prescrire des médicaments et pas assez à ce qu’il faut manger pour prévenir, guérir ou améliorer le traitement des maladies. Il faut donc se prendre en main, ne plus attendre que la solution vienne d’ailleurs ou s’en remettre aveuglément à un autre : chacun d’entre nous doit apprendre les bases de la nutrition et comprendre ses maladies. C’est le seul moyen d’agir réellement, en toute liberté et en pleine conscience, c’est l’acquisition d’une liberté fondamentale.

Jade Perraud : Merci Julien Venesson de nous avoir accordé cette interview.

www.julienvenesson.fr

© Laboratoires Copmed

Étiquettes : bien-êtreMicro nutritionnutritionsanté